mercredi 11 mai 2016

Panique dans la Sierra Helada (ou Serra Gelada)

Cette randonnée, j'avais envie de la faire depuis longtemps. Bernard et moi l'avions faite, avec Gisèle, sur un parcours relativement facile, jusqu'au phare.
Mais cette fois, c'est avec Catherine et Michel, que nous allons randonner, sans nous douter une seule seconde de la dureté du parcours.
Il est 14h30 et nous décidons de partir pour Bénidorme, chacun dans sa voiture. L'une d'elle sera au point de départ [Albir] tandis que l'autre sera au point d'arrivée [la Cruz de Benidomre ou la Creu de Benidorme] à l'autre bout de la Sierra, quelques huit kilomètres plus loin.
Nous sommes tous les quatre très enthousiasmés par cette belle balade; le soleil tape, bien que caché derrière de fins nuages.
Première étape : rejoindre les antennes.
Nous commençons l'itinéraire par une ascension en zigzag qui débute par des marches de pierre, des rochers. Nous longeons une ancienne carrière. C'est très difficile déjà .... mais nous ignorons ce qui nous attend, alors nous soufflons, nous peinons, mais nous arrivons enfin, au bout  d'une heure (!), aux fameuses antennes. Sommet n° 1 Des falaises de 300m.. des goélands volent à plusieurs centaines de mètres au dessous de nous  et nous paraissent minuscules.
Durant cette première montée, Catherine a déjà pris de l'avance, elle a déjà passé les antennes.Je l'apercevais de temps à autre, gilet rouge et sac à dos noir, la haut, tout la haut, au détour d'un rocher ou d'un bouquet de pins.  Nous profitons de quelques minutes de repos. Je me couche directement sur la piste de bitume pour décompresser, détendre mes gambettes bien bronzées mais oh combien fatiguées.


Michel appelle sa femme, une conversation s'engage entre eux deux , Bernard et moi écoutons vaguement, occupés surtout à régulariser notre souffle. De cette conversation il ressort que la Cabrette a déjà entamé la suite du parcours mais qu'elle n'a pas pris la bonne direction, elle doit remonter la piste bitumée qui mène aux antennes et nous rattraper, étant donné que c'est elle qui marche le mieux dans le groupe. Nous ne savons pas encore que cela va engendrer un gros malentendu.....!!!
Nous prenons donc un peu d'avance et la direction de "Alt del Governador". Ah, le traître ..., le sournois, il commence par petits paliers mais soudainement il monte sec dénivelé 438 m, Il veut notre peau.
Et nous voici, tous les trois, au sommet n° 2. En face de nous, le sommet suivant, il nous faut entamer une descente ardue pour arriver sur le sentier montant. Rien qu'à le regarder nous sommes déjà épuisés. Nous y voici justement .. Romarin, lavande, thym, embaument la sente tortueuse et malaisée, il faut faire attention, aux pierres glissantes, aux trous ...
Au loin, tout au fond le Penon : rocher majestueux et fier de Calpe.

Nous sommes sur le sommet n°3, à flan de falaise, le coeur battant, les jambes en coton. Un coup d'oeil en face : un autre sommet à conquérir et une descente tout aussi vertigineuse que la précédente.
Allez courage, les mousquetaires de la randonnée ... hauts les coeurs .
Nous n'avons toujours pas de nouvelles de Catherine, est-elle derrière nous ? a t-elle rejoint la grand route, la voiture ? laquelle ? au départ ou à l'arrivée. Nous essayons Michel et moi de la contacter, sans succès : pas de réseau.
La descente effectuée, il faut entamer la re-re-montée jusqu'au sommet n° 4. La vue est à couper le souffle, enfin ce qu'il nous en reste ....

Loin, la Sierra Bernia, que j'ai pratiqué en 2015, et qui m'avait, elle aussi, bien malmenée.
Et toujours en face de nous une prochaine descente, une prochaine montée et un nouveau sommet.
Bernard souffre de ses genoux et de sa hanche. Moi, mes jambes sont tétanisées, mon souffle, mon coeur, sont en révolution, nous sommes de toute façon obligés de continuer, impossible de revenir en arrière.
Michel, toujours à nous remonter le moral, il chante, il fume (un peu), il plaisante. Il n'entend pas abandonner sa famille, alors patiemment, il nous attend.
Sommet n°5 : vue imprenable, entre mer et montagne.

Michel et moi recontactons Catherine : silence sur le réseau.
En vue du sommet n°6, j'imagine que la Cruz va nous apparaitre et là notre "calvaire" va cesser. Allez, on se remue, encore une dernière fois .... (je crois.....) . Descente... montée .... voilà le sommet n° 6  et je n'en crois pas mes yeux : pas de Cruz ..... j'ai l'impression de vivre un vilain cauchemar.
Les heures ont défilé, le soleil baisse un peu mais je suis tellement démoralisée que je crois qu'il va se coucher tout de suite et que nous allons nous retrouver, sur la crête de la maldita Sierra, dans la nuit noire.
Je panique et du coup me retrouve en tête, accelérant mon pas, malgré la fatigue, et arranguant les deux autres. Michel, me tranquilise, le soleil est loin de se coucher me dit-il , calme toi. Brave Mich-Mich, toujours calme et rationnel. Je l'adore.
La descente...la montée, l'arrivée au sommet n° 7   Tout au long du sentier tortueux et totalement abrupte, j'ai prié pour que la croix soit là , mais horreur et désespoir : la Creu, n'est pas là, pas même visible. Point de croix, point de côté pour moi, genoux douloureux pour Bernard. Michel, lui stoïque, pas alarmé du tout. Heureusement qu'il était là .... et toujours sans nouvelles de Catherine.
Nouvelle descente, nouvelle remontée, toujours dans les senteurs de romarins, de lavande et de pin. Les goélands poussent de grands cris joyeux, plus bas, rasant les falaises  qui font notre calvaire...
On aperçoit pas bien loin, la Sierra Aïtana. J'avais dans l'idée de la "faire", une prochaine fois, mais je crois que j'ai changé d'idée. Je vais me contenter du parcours paseo de Calpe.... enfin il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, alors d'ici 0ctobre ....
Bernard nous annonce sérieusement, que si la Croix n'est pas au rendez-vous, il reste là, sur place, jusqu'à demain matin...Moi je panique encore, le soleil a disparu derrière un nuage et je m'inquiète aussi beaucoup pour mon petit mari.
Nous parlons aussi de Catherine dont nous n'avons toujours pas de nouvelles. Habituée aux dures randonnées, c'est aussi la plus jeune d'entre nous, à peine 58 ans, elle marche vite et bien, elle aurait dù nous rattraper. Nous fondons l'espoir qu'elle a rejoint l'arrivée par un autre sentier et que nous allons la voir près de la voiture.

Mais il faut avancer, le soleil me parait déclinant de plus en plus. La descente est difficile,comme les autres. Les indications sont de moins en moins visibles et il nous faut parfois, revenir en arrière, pour retrouver les marques jaunes et blanches, peintes sur les rochers. ...Peur de se perdre. angoissée je le suis. C'est long, c'est beau, c'est dur. Comme pour me réconforter le soleil refait son apparition alors que nous arrivont au sommet n°8  et le miracle a lieu : La croix, la Cruz, la Creu, on se fiche de connaitre son nom, elle est là, c'est tout ce qui compte. Du haut du sommet, nous avons une vue extraordinaire sur Bénidorme et ses environs :


Mes mains tremblent quand je prends cette photo, la fatigue, l'angoisse.... pas de nouvelles de Catherine.
C'est la dernière descente, je crois que c'est la plus terrible, très forte pente jalonnée de caîrns qui nous guident vers le parking, que nous voyons de loin. La croix, en ligne de mire, nous attire, comme un phare attire le bateau, et se rapproche de nous. Nos genoux craquent, notre dos est douloureux. Enfin nous arrivons sur le parking et là, une mauvaise surprise nous attend : pas de Catherine.
Nous décidons d'attendre. Michel l'appelle, je l'appelle à mon tour, toujours sans succès.
Nous prenons la décision de faire intervenir les urgences, le 112 en Espagne.
Des trois c'est moi qui parle le mieux l'espagnol. C'est une femme qui répond à mon appel. Je lui explique notre situation et après avoir satisfait à toutes ses demandes de renseignements : l'âge, la condition physique et morale de Catherine, la façon dont elle est habillée etc ...l'heure à laquelle nous l'avons perdue ou vu pour la dernière fois, elle m'informe qu'elle met tout en oeuvre et de fait, à peine un quart d'heure plus tard, la policia locale, la guardia civile, les pompiers, une ambulance et un hélico se trouvent sur zone. Bernard est parti, entre temps, sur le parking de départ à l'Albir, voir si Catherine ne s'y trouvait pas. Il n'est pas au courant de notre démarche.
L'hélico survole la crête, et peu de temps après, informe les policiers sur le parking, qu'ils ont ciblé la personne disparue. Mes jambes tremblent de soulagement, j'ai envie de pleurer, mais je me retiens. Bernard m'appelle un peu plus tard, l'air désolé, Catherine ne se trouve pas à la voiture. Je l'informe qu'elle arrive. Il revient vers nous.
La suite, c'est de la bouche de Catherine que nous l'apprenons. 
Elle était très près du sommet n°8 quand elle voit l'hélico la survoler, se poser et un homme en descendre, qui lui demande en espagnol, si elle fait partie d'un groupe de quatre personnes. Sa réponse est oui, et après lui avoir demandé si elle allait bien, il se fait héliporter à bord de l'appareil en lui affirmant que deux pompiers allaient, à pied, à sa rencontre. Elle est un peu interloquée quand même. En fait le malentendu vient de Michel et de Catherine, qui ne se sont pas compris. Elle a cru que nous étions redescendu - après les antennes (sommet n°1) vers la voiture. Donc elle est elle même redescendue, puis ne nous voyant pas sur le parking, elle est remontée ... et a fait toute seule le chemin que nous avions fait, les descentes, les montées, les sommets .....
Enfin, elle apparait, au débouché du sentier, entourée de ses pompiers personnels :


fraiche et souriante, étonnée de tout ce ramdam, allant même jusqu'à regretter de n'avoir pas été hélitreuillée et déposer sur la route telle une VIP.
Embrassades, gracias à todos, de nada.... patati patata.
Je demande si je peux prendre une photo todos runtos, si, si :

Le coucher de soleil est merveilleux, la montagne est orangée.
Un pompier me donne son n° de teléphone afin de lui envoyer la photo, en souvenir. L'hélico a disparu vers Alicante, les autres nous disent de chaleureux "adios" on se serre les mains, on s'embrasse même, hasta la proxima vez en la playa de Benidorme......Une équipe sympathique, réconfortante, efficace. Viva Espana.  et nous reprenons la route, rejoindre le point de départ où la voiture de Michel attend patiemment qu'on revienne la chercher.
Il est pratiquement 22h....chacun chez soi, épuisés mais heureux.


la Sierra Helada, vue depuis notre terrasse à Calpe, face nord.
On peut voir, le phare, les antennes, le reste c'est derrière tout cela. 

et vue depuis l'Aîtana 











9 commentaires:

  1. Sincèrement, je crois qu'il existe des fous sur la terre. Il y en a dans tous les pays ; il y en a en France ; il y en a en Espagne ; mais ceux de France qui vont en Espagne sont les plus dangereux... pour eux mêmes !
    Mais comme toute bonne histoire ou bon film, cela se finit bien. OUF !!!

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  2. Vous êtes vraiment barjots, vous!! Le délire total!! Mais bon, plus de peur que de mal!! Bisous à tous!

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  3. Il y a de quoi paniquer à posteriori ! Vous voulez nous donner des cheveux blancs avant l'heure !!!! Bisous à vous... et pas d'imprudence. La télé, c'est pas mal aussi (lol)
    Valérie

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  4. Je dirais même plus.... Vous êtes complètement timbrés.... Prêt à être envoyés en colis express à l'asile....

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  5. C'est là où ce blog a tout son intérêt ... Des histoires incroyables, bien racontées, et une fin heureuse.. Mais bon vous êtes quand même un peu ouf de faire des trucs pareils... Les autres mamies elles tricotent pendant que les autres papi ils lisent le journal en buvant une bière ....

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  6. Et d'ailleurs j'attends avec impatience l'écharpe que tu vas me tricoter... Celle qui pique le cou et qui te met des poils plein la bouche...

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  7. Quelle aventure, heureusement que je n'étais pas là, c'était direct l'hosto.MDR Et bravo à vous 4 avec une mention spéciale pour Catherine bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

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  8. Nan, nan ,je n'irai pas. Parcours de fou, moi je peux faire 20km mais sur du plat, 15km si il y a des montées comme je faisais avec des copines, de chez moi à Cambes et retour par Camblanes en longeant la garonne, le plus dur c'était la côte de Camblanes surtout qu'on prenait les bois ou par la pierre ronde , ça te dis quelque chose ? Oui des souvenirs me remontaient en passant devant la maison. Bises à tous .

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  9. hé ben ça c'est de l'aventure!
    Vous avez du avoir trés peur ... c'est sur, mais c'est vrai que c'est comique aussi à postériori...

    En tout cas moi je préfères que vous fassiez les foufous plutôt que de tricoter des écharpes !!

    :-) :-o

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